Persécution : Les communautés chrétiennes en Syrie sont en voie de disparition
todayOctober 20, 2019
Les chrétiens d’Orient constituent une mosaïque de
communautés dont l’histoire remonte aux origines du christianisme. Malmenées en
ce début de XXIe siècle, ces communautés restent bien vivantes. Le conflit au nord-est de la Syrie n’oppose
pas seulement Kurdes et Turcs. Cette région est l’un des derniers refuges pour
beaucoup de chrétiens orientaux
Ils ont toujours tout kurdisé”, me confie au téléphone le haut
responsable d’une Église orientale au nord-est de la Syrie. Le prélat me
raconte qu’il a souvent averti les responsables kurdes de ne pas appeler le
“Système fédéral démocratique de Syrie du Nord” – dans les faits le
gouvernement indépendant des cantons d’Afrin, de Kobané et de la Djézireh – systématiquement
“Rojava”, abrégé de “Rojavayê Kurdistanê” ou Kurdistan de
l’Ouest en kurde.
Le Kurdistan de l’Est est alors la région du nord de l’Irak, dans
les faits aussi quasi-indépendante. “Et pourquoi brandissaient-ils sans
cesse des drapeaux du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou des
portraits du leader emprisonné Abdullah Öcalan ?” y ajoute le représentant
d’une coalition de groupes de chrétiens syriaques. “Avec cette kurdisation
permanente, ils ont évidemment provoqué les Turcs.”
La plus grande des minorités
Quand on lit ou regarde les médias occidentaux, l’impression s’impose que le nord-est de la Syrie attaqué par l’armée turque, était territoire kurde, peuplé par des Kurdes et gouverné par des Kurdes. Cela n’est nullement exact. Les Kurdes forment la plus grande des minorités dans la région. Mais ils n’ont pas la majorité ! Tant les dirigeants du “Système fédéral démocratique de Syrie de Nord” que les combattants qui les défendent, sont issus d’une coalition de Kurdes, de Turkmènes, de Syriens d’origine arabe et de divers groupes de chrétiens. Mais, les Kurdes étaient toujours les plus forts en relations publiques ; ça se paie cher maintenant.
La population dans les montagnes de la Turquie
et leurs flancs méridionaux et occidentaux – en partie donc sur l’actuel
territoire de la Syrie, de l’Irak, de l’Iran et de l’Arménie – a toujours été
particulièrement diverse : une petite ville essentiellement kurde sillonnait un
village d’Arabes sunnites qui lui-même était voisin d’un hameau yézidi ou d’un
village chrétien. Mais ces derniers, les chrétiens qui vivent depuis des
millénaires au nord de la Mésopotamie, semblent être complètement oubliés.
Pourtant, ils appartiennent à part entière au “Système fédéral
démocratique de Syrie du Nord” et ils livrent à leur tour des milices
fortes de quelque trois mille hommes armés. Certaines villes au nord-est de la
Syrie ont même été construites par et pour eux. Qamishli par exemple n’est pas
une implantation millénaire mais date de 1925 ; la ville servait à abriter des
rescapés des génocides commis dès 1925 par les Jeunes Turcs sur les Araméens et
les Assyriens.
Aujourd’hui encore, quelques 15 pourcents de
plus de 150.000 habitants de Qamishli sont des chrétiens de diverses
nominations : des Araméens catholiques et orthodoxes, des Chaldéens
catholiques, des Syriaques catholiques et orthodoxes, etc. Cette diversité
n’est d’ailleurs pas toujours un atout pour les chrétiens du Moyen-Orient. Dans
la tourmente perpétuée, plus d’un prélat a la fâcheuse habitude de ne se
préoccuper que de ses propres zouaves, au point de ne pas “compter”
les fidèles d’une autre église quand on l’interroge sur le nombre de chrétiens.
Mais, malgré leurs divergences, les chrétiens du Moyen-Orient ont
tous quelque chose en commun : le martyr, la persécution permanente et la fuite
sans cesse. Quand tu interroges un chrétien d’Orient sur son histoire de
famille, tu passes d’office par un camp de réfugiés.
Du déjà-vu
Les dernières années, la pire menace était
celle des djihadistes du soi-disant État islamique. L’armée des terroristes
avait pourchassé les chrétiens de Mossoul en août 2014 et de la plaine de
Ninive en août 2015, tous comme ils avaient “nettoyé” Sinjar des
Yézidis. En même temps, les chrétiens de l’est de la Syrie s’étaient enfuis vers
le nord, vers les terres autour des villes de Hassaké et Qamishli.
Là-bas, ils semblaient enfin sécurisés, à tel point que le Comité
de soutien des chrétiens d’Orient (CSCO) belge y investissait déjà dans une
école à Hassaké et dans un dispensaire à Qamishli. Ce dernier chantier est sous
les bombardements actuellement…Les réfugiés récents y vivaient ensemble avec
les rescapés des catastrophes d’il y a tout juste un siècle, quand des forces
de l’Empire ottoman et des bandes kurdes (oui, en effet !) ont massacrés au
moins 1,5 millions de chrétiens.
Les chrétiens au nord-est de la Syrie vivent
dès lors un terrible déjà-vu. Les dernières années à Hassaké ou Qamishli, ils
ne craignaient plus que d’être victimes de temps en temps d’un attentat à la
bombe près de leurs églises et sanctuaires. Mais maintenant, des milices
pro-Turcs, voire des troupes régulières de la République de Turquie, saisissent
de nouveau leurs biens et les pourchassent de leurs maisons. Or, contrairement
aux catastrophes d’il y a un siècle, plus personne en Occident ne semble s’en
préoccuper.
Le 10 août 1920, les alliés formulaient encore dans le traité de
Sèvres des propositions pour former des territoires démilitarisés et sécurisés
pour les minorités de l’ancien Empire ottoman ; projet qui a par ailleurs été
bafoué par Kemal Atatürk et remplacé par le traité de Lausanne de 1923, bien
plus intéressant pour Ankara. Mais aujourd’hui, les chancelleries et médias
occidentaux semblent carrément avoir oublié les chrétiens de Syrie.
La Rédaction avec La Libre.be
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